
Benjamin Fondane est né Benjamin Wechsler (ou Vecsler), de famille juive, le 14 novembre 1898, à Iasi en Moldavie Roumaine. Il publia en Roumanie sous le nom de B.Fundoianu puis en France (naturalisé) sous celui de Benjamin Fondane. Son œuvre est très éclectique puisqu’il fut à la fois philosophe, poète, dramaturge, critique littéraire, réalisateur de cinéma…
Il mourut le 03 Octobre 1944, à seulement 45 ans, dans une chambre à gaz du camp d’extermination d’Auschwitz où il fut expédié dans l’un des derniers convois de la mort.
Le nom de Fondane (Benjamin Vecsler) sur le Mur des Noms au Mémorial de la Shoah à Paris. Photo prise par Frédéric Le Dain, Site: https://benjaminfondane.com/.
C’est à partir de ses vers les plus connus, inscrits à l’entrée de la salle des Noms à Yad Vashem à Jérusalem (photo ci-dessous empruntée au site de la société d’études Benjamin Fondane) que j’ai voulu m’intéresser à sa poésie tragique et à sa pensée qui fait partie des classiques roumains.
(Photos prises par Iosef Ben David et communiquées par Lilach Tamir) Les vers apparaissent à droite et sont reproduits sur la photo de gauche en anglais. Site: https://benjaminfondane.com/.
A sa demande, une grande partie de sa poésie est rassemblée et publiée sous ce titre : « Le mal des fantômes ».
J’ai voulu aussi, par cet article, lui rendre hommage non seulement parce qu’il était d’origine roumaine mais parce qu’il fut une victime si représentative hélas ! de la barbarie nazie, et plus positivement, un exemple de ce que la rencontre des mouvements de pensées orientaux, juif en l’occurrence et chrétiens ont pu générer pour le monde de sages questionnements existentialistes.
Je ne pourrais résumer en une page la profondeur du débat opposant tous les rationalistes de l’époque moderne avec les existentialistes dans la lignée de Kierkegaard ou de Chestov dont Fondane fut un disciple reconnu. Pourtant il me semble, comme jamais, d’actualité. Incontestablement, notre siècle avance dans la continuité du précédent, en prétendant offrir, grâce à la science, à la raison, les clés de l’avenir, des certitudes pourtant toujours empreintes de remises en questions, de contradictions…La meilleure preuve en est sûrement ce rationalisme monétaire qui se traduit dans toujours plus de rigueur et d’austérité, le dérèglement des valeurs. L’élévation de l’économie au rang de science ministérielle gouvernante ! Et face à ce pouvoir grandissant, qu’a t-on appris de significatif sur les mystères de la vie et de la mort ou sur celui de l’origine divine ou non de nos souffrances ? La vie à seule fins de connaissances n’est-elle pas un leurre ?
Disons-le, même les choses ont empirées et la condition humaine reste, dans son ensemble misérable : le matérialisme nous afflige, l’athéisme réduit nos espoirs dans la révolte ou l’indifférence sceptique. Le désastre nous guette exactement tel que le décrivait Fondane dans sa poésie on ne peut plus moderne mais jugée à l’époque polémique.
Évidemment, je ne passerai pas sous silence le fait que sa poésie est un cri prophétique. Il rejoint, pour moi, celui plus ironique de Virgil Gheorghiu qui, dans « la 25ème heure », décrivait un homme rendu simplement, comptablement, sinistrement, mécanique, déshumanisé.
Enfin l’être lui-même, Fondane, courageux, intègre jusqu’au bout pour partager le sort de sa sœur Line qu’il aimait tendrement, cet homme qui n’aura jamais pu être celui qu’il aurait dû…assassiné par la conscience annihilée du rationalisme inhumain, sa propre vie à la hauteur de la tragédie humaine qu’il peignit dans sa poésie. Fondane, le fantôme nous prévient. Qu’il nous hante un peu et secoue nos consciences !
Pat le 11 Août 2020
Sa poésie la plus connue:
Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n’est
qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j’étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j’avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,
un visage d’homme, tout simplement!
Benjamin Fondane (1942)
Préface en prose, extrait de L’Exode (Super flumina Babylonis), publié dans l’anthologie Le mal de fantômes, Paris, Éditions Verdier, 2006, p. 153.
Pour en savoir plus sur son oeuvre :
La société d’études Benjamin Fondane
Image mise en avant: Greg Montani de Pixabay
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