Femme : mot qui enchante, qui déclenche les passions… Qu’elle soit « femme à tout faire», « femme de carrière » ou « de caractère », qu’elle soit mère ou épouse, qu’elle soit « dans l’ombre » ou « sur le devant de la scène », La Femme ne laisse pas indifférent.
Voici cinq femmes de légende, qui ont marqué l’histoire de la Roumanie, qui ont traversé le temps et qui nous ont laissé, en héritage, de la beauté, de la force pour le combat, de l’audace, de la persévérance, de l’amour, des rimes et des notes…
Maria Tanase, la « Piaf » roumaine
Chanteuse de musique traditionnelle roumaine, Maria Tanase naît en 1913, à Bucarest. Troisième de sa fratrie, elle quitte l’école très tôt et travaille avec ses parents, fleuristes, dans la capitale roumaine.
En 1934, elle obtient un contrat au théâtre « Carabus », à Bucarest et en 1937, elle enregistre ses premières chansons, parmi lesquelles « La malédiction d’amour » – version française (1958) – « Cine iubește și lasă », en roumain. En 1938, elle débute sa carrière de chanteuse à la radio roumaine. Ses chansons sont accueillies avec enthousiasme par les auditeurs et dorénavant, elles seront programmées de manière hebdomadaire, à la radio. La chanteuse s’exhibe également dans des nombreux restaurants et lors de fêtes privés et interprète ses chansons dans des pièces de théâtre, comédies musicales, films et court-métrages.

Alors que l’Europe est secouée par la guerre et que, dans plusieurs pays, les mouvements d’extrême-droite montent au pouvoir, le gouvernement roumain prend lui aussi des mesures coercitives : l’interdiction de la musique dans l’espace public, la destruction d’importants enregistrements et œuvres artistiques. Des rumeurs courent sur le fait que les disques de Maria Tanase sont transformés en peignes et vendus dans les rues de Bucarest, par des tziganes. Ses chansons populaires racontent la vie du peuple et ses difficultés : ainsi, l’image que l’artiste donne, des Roumains, s’éloigne de l’image idéale du peuple « héroïque » que la propagande fasciste met en avant. De plus, Maria Tanase a, dans son entourage, des nombreux amis juifs : pour ces raisons, elle se voit l’interdiction de chanter.
Elle s’éloigne alors de la scène roumaine et entreprend une tournée en Turquie, où elle reçoit le titre honorifique de « Citoyen d’honneur ». De retour en Roumanie, elle organise des spectacles pour les soldats blessés au front, auxquels participent d’autres artistes roumains.

En 1952, sous le régime communiste, la chanteuse devient professeur de chant populaire, dans une école de musique de Bucarest. Elle reprend sa carrière à la radio et enregistre des nouveaux disques. Quatre chansons traditionnelles roumaines sont adaptées en français : « Doïna de Dolj », « Danse montagnarde», « Tiens tiens tiens et na » et « La malédiction d’amour ». Pour ces créations artistiques, l’Académie «Charles Cros » de Paris lui a accordé le «Grand Prix du Disque », à titre posthume.
La chanteuse Maria Tanase s’éteint, d’un cancer, à la fin du printemps 1963, à 49 ans. Dans une lettre à son époux, la chanteuse écrit, avant de mourir : « […] À vous, les 49 feuilles, vert printemps et jaune automne, sur lesquelles ont glissé mes années, je vous laisse, à chacune, une larme émue. […] ».
Elena Caragiani-Stoienescu, au plus près des nuages
Elena Caragiani est née à Tecuci, dans la région de Moldavie, en 1887. Avant de devenir aviatrice, elle étudie le droit, étant parmi les premières femmes à accéder à des études juridiques, en Roumanie.

Passionnée d’équitation et d’aviation, c’est vers ce dernier domaine qu’elle souhaite s’orienter, pour devenir pilote. Son premier vol a lieu en 1912, à bord d’un avion Wright. Elle suit l’École de pilotage de Baneasa, à Bucarest. Mais les autorités roumaines lui interdisent de voler, ainsi la jeune Elena quitte la Roumanie, pour la France. C’est ici qu’elle obtiendra son brevet de pilote, délivré par la Fédération Aéronautique Internationale de France, en 1914, et devient la première aviatrice roumaine.

Par la suite, elle devient journaliste de l’air et fait des reportages de guerre, à bord d’avion : Elena Caragiani-Stoienescu est également la première correspondante de guerre, dans le monde. En 1916, elle revient en Roumanie, où l’interdiction d’exercer comme pilote est maintenue : elle travaille, alors, comme infirmière, dans deux hôpitaux roumains. Avec son époux, elle décide de s’installer à Paris et les dernières années de sa vie, elle les passe dans la capitale française, en exerçant son métier de journaliste.
Malade de tuberculeuse, elle décède en 1929 et est inhumée dans le cimetière Bellu, de la capitale roumaine.
Iulia Hasdeu, une étoile de la poésie
Iulia Hasdeu est née en 1869, à Bucarest. Fille du polymathe et écrivain, Bogdan P. Hasdeu, la jeune Iulia est une poétesse roumaine, mais aussi une intellectuelle surdouée.

Parallèlement à ses études classiques, elle suit également des cours au Conservatoire de Bucarest, avant de quitter la Roumanie et de s’installer à Paris : à seulement 16 ans, elle devient la première roumaine à étudier dans la prestigieuse université de la Sorbonne.
Iulia Hasdeu écrit des poèmes, de la prose, des pièces de théâtre. Son journal intime, ainsi que ses échanges épistolaires, avec son père, font partie de l’héritage artistique que la jeune poétesse nous a laissé. En 1888, à 18 ans, Iulia Hasdeu tombe malade. La tuberculose l’emporte la même année. Elle est inhumée au cimetière Bellu, à Bucarest.
La majeure partie de ses œuvres a été publiée à titre posthume, selon la volonté de son père. Son premier ouvrage – un recueil de poèmes intitulé « Bourgeons d’avril », écrit en 1887, sort deux ans plus tard, dans « Œuvres posthumes », sous le pseudonyme de Camille Armand.
L’écrivain Bogdan P. Hasdeu fut très affecté par la mort de sa fille : il cessa ses activités artistiques et littéraires, montrant désormais un intérêt particulier pour le mysticisme et pour le spiritisme. En sa mémoire, il construit un château – le « Château Iulia Hasdeu » – à Campina, aujourd’hui ouvert au public.

On y trouve des portraits de la famille Hasdeu, des pièces de mobilier d’époque, mais aussi des objets plus personnels, comme des photographies, des manuscrits, le journal et une poupée ayant appartenu à Iulia Hasdeu. Les visiteurs peuvent déambuler dans les six salles du bâtiment, parmi lesquelles une tour, mais aussi la pièce dans laquelle avaient lieu les séances de spiritisme de l’écrivain, toujours en quête de rentrer en contact avec l’esprit de sa fille.
La bâtisse a connu plusieurs détériorations, notamment pendant les deux guerres mondiales. Depuis 1955, l’édifice est classé comme monument historique.
Marie de Roumanie, la royale
Née en Angleterre, en 1875, Marie de Saxe-Cobourg-Gotha deviendra reine de Roumanie par son mariage avec le prince héritier, Ferdinand. Du côté paternel, elle est la petite-fille de la reine Victoria d’Angleterre et du côté maternel, la petite-fille du tsar russe, Alexandre II. Son père, officier de la Royal Navy, passe sa vie loin du Royaume-Uni, en particulier à Malte, où Marie vit son enfance.
C’est en 1893, qu’elle épouse Ferdinand von Hohenzollern-Sigmaringen, prince héritier, neveu du roi Carol I de Roumanie. De leur union, naissent six enfants, mais la paternité du roi Ferdinand est remise en cause pour les deux cadets. En effet, malheureuse au sein de son couple, la reine Marie entretiendrait des relations extra-conjugales, notamment avec l’homme d’état Barbu Stirbei. Mais le couple royal saura garder son unité et se montrer solide autour d’un objectif commun : l’intérêt et la stabilité politique de la Roumanie.

Lorsque la Roumanie participe à la première guerre, le roi Ferdinand est présent sur le front, aux côtés de ses troupes. La reine devient infirmière volontaire pour la Croix-Rouge roumaine. Elle s’occupe des soldats blessés, leur rend visite dans les hôpitaux militaires, dont elle coordonne l’activité, et s’assure du bon fonctionnement des services de santé. C’est grâce à la présence du couple royal sur le front, auprès de leurs troupes, que les Roumains les ont aimé et identifié comme des véritables souverains du peuple.
Après le décès de son époux, en 1927, la reine Marie s’éloigne de la vie politique, aussi en raison des désaccords qui l’opposent à son fils, Carol II, devenu roi de Roumanie. Elle vit entre le château de Bran, au cœur de la Transylvanie – elle réaménage l’intérieur du château dans un style de la Renaissance allemande, mais aussi l’extérieur du domaine – et le château de Balchik, qui, par sa proximité avec la mer Noire, lui rappelle les souvenirs de son enfance heureuse, à Malte. Elle écrit des livres, parmi lesquels ses mémoires intitulées « Histoire de ma vie » et elle organise des rencontres entre artistes et philosophes roumains et européens, dans ses deux résidences, Bran et Balchik.

À la mort du roi Carol I, en 1914, son neveu Ferdinand lui succède au trône. Toutefois,l faudra attendre 1922 pour que le couple royal soit officiellement couronné. Pendant toutes les années de son règne, la reine Marie endosse le rôle de conseillère du roi, en intervenant dans les décisions politiques les plus importantes. De plus, ses relations avec les familles royales russe et britannique, dont elle est la descendante, seront utilisées par son époux comme atouts diplomatiques dans le maintien d’une position de neutralité vis-à-vis des deux conflits mondiaux.
Elle meurt en 1938, au château de Pelisor, dans la ville de Sinaia. Avant sa mort, elle a exprimé le souhait que son cœur lui soit retiré et déposé dans la chapelle du château Balchik. Lorsque cette ville a été réintégrée au territoire bulgare, le coffret contenant le cœur de la reine a été transféré dans le château de Bran. Depuis 2015, il se trouve dans le château Pelisor, lieu de décès de la reine, aujourd’hui musée, ouvert au public. Son corps repose à côté de celui de son époux, dans le monastère de Curtea de Arges.
Le 15 octobre 2019, à Paris, en hommage à la reine Marie, a été inaugurée la « Promenade Marie de Roumanie » – il s’agit d’une portion du Quai Branly, qui porte désormais, le nom de la souveraine roumaine.
En 1933, Marie de Roumanie a écrit son testament ; je vous traduis un passage, particulièrement émouvant, dans lequel la reine exprime l’affection qu’elle porte à son pays et à son peuple :
« À mon pays et à mon Peuple, […] je voudrais que ma voix vous atteigne à nouveau, juste au-delà du calme de la tombe. […] Peut-être vous souviendrez-vous de moi, car je vous aimais de toute la puissance de mon cœur et mon amour était fort, plein de vigueur […]. Je suis arrivée au bout de mon chemin. Mais avant de me taire pour l’éternité, je veux lever la main, pour la dernière fois, pour une bénédiction. Je te bénis, ma bien-aimée Roumanie, le pays de mes joies et de mes peines […]. »
Elena Negruzzi et son combat pour les femmes
En 1876, dans le département de Iasi, naît Elena (ou Ella) Negruzzi, fille de Leon Negruzzi, homme politique, maire de Iasi, poète et écrivain.
Elle finit ses études universitaires de droit et en 1914, elle fait la demande d’admission au barreau de Iasi, qui lui est refusée : en effet, les femmes ne peuvent pas exercer des métiers liés au domaine juridique. En outre, le droit de vote n’est pas reconnu aux femmes et un avocat doit pouvoir voter. Elle réitère sa demande, refusée une fois de plus, dans le département de Galati.
Après avoir obtenu le soutien de différentes figures féministes de l’époque, Elena Negruzzi devient co-fondatrice de l’Association pour l’émancipation civile et politique des femmes roumaines (AECPFR). En 1919, lors de sa troisième tentative, sa demande de passer les examens d’avocat au barreau de Bucarest est, cette fois-ci, acceptée. Ainsi, en 1920, elle devient la première femme avocate roumaine.

Tout au long de sa carrière et notamment pendant l’entre-deux-guerres, Elena Negruzzi défend la cause des femmes roumaines, principalement en milieu rural. Elle mène des actions visant à améliorer les conditions de vie des femmes, dans tous les domaines : professionnel, politique, social, familial et économique.
Lorsque le parti nazi s’empare du pouvoir, en Allemagne, Ella et d’autres avocats roumains créent le « Groupe des avocats démocrates », un mouvement antifasciste. Ella Negruzzi lutte contre la propagande fasciste et milite contre la guerre. Lorsque le roi Carol II instaure la dictature carliste, il oblige l’AECPFR à fermer. Ella Negruzzi se retire de la vie politique, mais refuse de coopérer avec le régime.
Elle décède en décembre 1949, à Bucarest, mais son activité de défense des droits des femmes est toujours connue et reconnue : aujourd’hui, Ella Negruzzi représente une figure emblématique du mouvement féministe.

Le mot de la fin…
Cet article est un hommage, humble et sincère, à toutes ces femmes et d’autres encore. Etoiles brillantes qui ont écrit l’histoire ; étoiles filantes, aussi, qui ont traversé la vie de façon fulgurante, mais avec passion ; étoiles qui continuent de nous illuminer, de là-haut : elles nous guident, elles nous inspirent, elles nous font rêver !
« Etoiles » – Iulia Hasdeu
Il est au ciel des étoiles
Qui, comme des diamants
Lorsque la nuit est sans voiles
Se mirent aux flots dormants
Il en est aussi sur terre
Et qui brillent nuit et jour
Le jour, pleines de mystère
Et la nuit, pleines d’amour !
Et ces étoiles pensives
Éclairent un ciel bien pur
Aux couleurs tout aussi vives
Que le vaste ciel d’azur ! (source – wikisource, la bibliothèque libre)
Image à la une : S. Hermann & F. Richter, source Pixabay.
Laura-Andreea Trichard
Toutes ces femmes de caractère, méritent d’être connues par le plus grand nombre. Merci beaucoup de ta contribution à ce projet Laura.
Je n’en doute pas une seconde que tu deviendras une grande écrivaine franco-roumaine.
Merci pour tant de beauté 🌹 Vive les femmes 😊 !
Que serait notre monde sans l’apport de femmes telles que celles dont vous nous partagez le parcours. Et si je ne me trompe pas, ce blog de valorisation de la Roumanie n’est-il pas à l’initiative d’une femme ?
Quoi qu’il en soit, sachons mesurer à sa juste valeur l’apport de nos mères, de nos sœurs, de nos consœurs et de nos amies au monde dans lequel nous évoluons.
Pour la Roumanie et pour chacun de nos pays, soyons reconnaissants,
Que chaque personne de tous genres et toutes couleurs de peau ait la même chance de pouvoir s’exprimer et les choses iront beaucoup mieux dans le monde sans compter que la renommée de l’un (e) fait la richesse de son pays.
le portrait de Marie de Roumanie est d’une intense beauté !