En 1978, les mariages mixtes en Roumanie relevaient du parcours du combattant. Découvrez ici l’histoire d’un couple qui s’est connu et marié dans les années ‘70.
Yves Lelong, originaire de Tours, France, n’avait que 21 ans lorsqu’il voyagea pour la première fois en Roumanie, en septembre 1972. Parfois, l’imprévu est à la source de décisions qui marquent un destin : cette année-là, Yves accepta l’invitation de sa correspondante roumaine à venir lui rendre visite. Et puis, comme beaucoup de jeunes de son âge, il avait aussi le désir d’explorer des terres inconnues et de découvrir l’autre côté du rideau de fer.
Il partit avec un petit guide touristique de poche de 150 pages, très bon marché, qui invitait ses lecteurs à partir à la découverte de, je cite : « la sœur cadette de la France ». La sympathique description du pays telle qu’elle était exposée dans cet ouvrage, même s’il était succinct, avait suffi à lui donner une motivation supplémentaire.
«A cette époque, du moins jusqu’en 1975, la Roumanie avait, contrairement à ses voisins, une politique touristique très libérale.» Il n’y avait pas besoin d’aller se faire enregistrer au poste de police le plus proche à chaque déplacement. On pouvait circuler librement. « C’était l’époque où Ceausescu faisait souffler sur le pays un vent de « liberté » si tant est qu’il y en eût. Il s’était attiré les bonnes grâces des dirigeants occidentaux en refusant notamment de participer à l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968 et en donnant l’illusion de s’émanciper de la tutelle de Moscou », explique Yves dans un article publié dans le magazine « Les Nouvelles de Roumanie ».
Un voyage puis deux, puis trois…
Après avoir donc soigneusement effectué ses préparatifs de départ, le jeune Yves quitta Tours pour un voyage en train vers la Roumanie, l’esprit ouvert, prêt à apprendre.

Et c’est plus particulièrement lors de ses découvertes en Roumanie que l’histoire d’Yves se corse et devient ultérieurement presque singulière : lui qui était parti de façon impromptue, pour suivre le chemin de la découverte dans les territoires d’un régime communiste, où peu de gens aurait osé voyager, rencontra sa correspondante Doina, 20 ans, et tomba amoureux.
Comme vous pouvez l’imaginer, ce premier séjour ne fut pas non plus le dernier. A ce propos, Yves, fait la confidence suivante :
« Entre 1972 et 1976, je découvris, petit bout par petit bout au fil de mes séjours, la vie quotidienne d’une famille roumaine de Timisoara. J’en déduisis rapidement, même avec la meilleure volonté du monde pour me persuader du contraire, que quelque chose clochait au pays des lendemains qui chantent. »
En 1976, Yves et Doina décidèrent de se marier. Mais la lutte des jeunes fut ardue et difficile et il fallait au partenaire roumain, je cite : «un grand courage et beaucoup de volonté pour affronter les tracasseries et les humiliations que les autorités communistes ne manquaient pas de lui faire subir ».
Mais comment aurait-il pu en être autrement alors que des efforts permanents étaient faits par le régime communiste pour altérer le jugement de citoyens et empêcher l’accès à l’éducation et/ ou aux cultures dites « démocratiques ». Car effectivement, au fil de ces années de voyage et de découvertes pour Yves, nombreux ont été les changements d’orientation politiques du régime. On a infligé aux Roumains des restrictions concernant les déplacements à l’intérieur et à l’extérieur du pays, des restrictions concernant l’accès à l’information, des châtiments exemplaires en cas d’opposition au régime et « la Securitate », la police secrète du régime que nous redoutions tous, faisait régner la terreur, puis, le comble, des restrictions concernant l’accès aux biens de consommation alimentaire courants (viande, huile, sucre), …et j’en passe.
« La lutte finale »
Pour pouvoir se marier, il fallait obtenir l’autorisation du Conseil d’Etat roumain. Yves et Doina attendirent un an pour recevoir finalement, à l’été 1977 un refus auquel ils s’attendaient. Mais, nos deux amoureux firent de ce refus une priorité, et grâce à une volonté sans faille et aux nombreuses lettres adressées à des personnalités françaises influentes ainsi qu’à l’ambassade de Roumanie en France, l’autorisation tant attendue arriva en février 1978. Le mariage eut enfin lieu et le couple s’installa en France.

Après cet épisode, les voyages familiaux en Roumanie, se poursuivirent et, sans surprise, les obstacles et restrictions ne tardèrent pas à se faire ressentir. Mais, toutes ces expériences et plus encore, vous seront présentées plus en détail par Yves, dans un ouvrage que nous allons prochainement rédiger à quatre mains.
Aujourd’hui, 48 ans après son premier voyage en Roumanie, Yves, 69 ans est le papa de deux filles (qui ont la double nationalité française et roumaine) et l’heureux grand-père de trois petits enfants. Il a travaillé, au cours de la seconde partie de sa carrière professionnelle, à la direction de la communication interne d’une grande banque française où il a fait, je cite, « du journalisme d’entreprise ».

Malheureusement, Doina, sa compagne roumaine, avec laquelle il vécut ces expériences qui ont marqué toute leur vie, est décédée en 2010.
En 2015, Yves s’est installé en Roumanie, à Brasov. Il y vit environ 7 mois par an. Il passe le reste du temps en France, à Tours, avec ses deux filles, ses petits-enfants et ses amis.
Yves possède donc une connaissance très raffinée de ce qu’était la Roumanie de l’époque et de ce que représente la Roumanie aujourd’hui. C’est pourquoi je lui ai proposé de travailler avec nous, et je suis heureuse de vous annoncer aujourd’hui que ma proposition a été acceptée et qu’ensemble nous poursuivrons nos efforts en faveur de la Roumanie.
Mariana Antoneag