L’enfance
1850
Le poète Mihai Eminescu, de son vrai nom Mihail Eminovici, a vu le jour le 15 janvier 1850, à Botoşani (département du nord-est de la Roumanie).
Il est le fils de Raluca et de Gheroghe Eminovici. Ce dernier, décrit comme un père autoritaire, soucieux de la réussite matérielle de ses enfants, qu’il souhaitait officiers ou avocats, méprisait la vocation artistique. C’est avec souffrance et colère, que le poète lui-même exprime dans des lettres adressées à son père, que Mihai vit cette relation.
M. Eminescu a des nombreux frères et sœurs : certains décédés à un âge tendre, d’autres poursuivis par un funeste destin, entre maladies et suicides. La plupart sont touchés par ce que l’on appelle « l’aliénation mentale »: ce trouble serait dû à une maladie héréditaire (certains spécialistes ont parlé de syphilis, bien que la théorie soit contestée, notamment par des autorités médicales).
1858 – 1863
Après avoir eu des cours particuliers pendant les premières années de sa scolarité, M. Eminescu est inscrit à la National-Hauptschule et, par la suite, au collège Ober-Gymnasium. Il rencontre des difficultés scolaires et finit par abandonner ses études, sa situation scolaire restant, encore aujourd’hui, peu claire.

Ses débuts littéraires
1866 – 1868
A 16 ans, il se fait connaître avec ses premiers poèmes parmi lesquels « La mormântul lui Aron Pumnul » (« Sur la tombe de Aron Pumnul », hommage à son ancien professeur de roumain). Il voyage en Transylvanie, avant de se faire engager comme secrétaire et ensuite souffleur, cette dernière fonction l’occupant au sein du Théâtre National de Bucarest.
1869 – 1871
D’abord inscrit à la faculté de philosophie de Vienne, il continue d’écrire et de publier, dans la revue « Junimea » des poésies et des contes («Făt-Frumos din lacrimă»), puis il débute des études de droit, toujours à Vienne. Il est, par ailleurs, nommé bibliothécaire de l’association « Romania jună », créée dans la capitale autrichienne et ayant comme président l’écrivain Ioan Slavici.
Amour et poésie
1872
Au printemps de cette année, à Vienne, il croise la route de Veronica Micle, poétesse roumaine, mariée à un professeur universitaire, plus âgée qu’elle. Pendant son mariage, mais aussi après le décès de son époux, Veronica et Mihai entretiennent une relation tumultueuse et passionnée.

Source d’inspiration pour le poète, ses poèmes sont chargés de passion, d’un amour aussitôt pur, aussitôt générateur de souffrance et d’une délicieuse sensualité. Parmi ses poésies, une que j’apprécie tout particulièrement est « Dorinţa »/ « Le désir » :

« Viens dans le bois, à la source
Frissonnant sur le gravier,
Où les tendres herbes se cachent
Sous les branches sur elles ployées,
Vers mes bras tendus cours vite,
Sur mon sein te laisse tomber,
Que je puisse défaire ton voile,
Du visage l’écarter.
Et sur mes genoux assisse,
Seuls au monde nous resterons,
Du tilleul, toutes frémissantes,
Les fleurs sur toi glisseront.
Ton front blanc aux boucles blondes
Sur mon bras tu pencheras
Et ta bouche aux douces lèvres
La proie de ma bouche sera…
Nous ferons le si beau rêve
Où s’emmêlent fredonnant
Chants de sources solitaires,
De légers souffles du vent.
Endormis par l’harmonie
Du grand bois lourd de pensées,
Du tilleul, les fleurs en files,
Sur nous viendrons s’amasser. »
(texte en langue roumaine publié par Valeriu Raut, sur le site « lyricstranslate.com », traduction par Veturia Drăgănescu-Vericeanu – http://www.poezie.ro)

Homme et auteur, à son époque
1874 – 1882
Pendant ces quelques années, Mihai Eminescu occupe plusieurs postes : directeur de la Bibliothèque Centrale de la ville de Iaşi, inspecteur scolaire dans les départements de Iaşi et Vaslui, rédacteur et par la suite, rédacteur en chef, au journal « Timpul », à Bucarest. Il se lie d’amitié avec l’écrivain Ion Creangă et est entouré d’autres personnalités roumaines comme Ion Luca Caragiale (nouvelliste, poète et dramaturge), Ioan Slavici (écrivain), Titu Maiorescu (essayiste, critique littéraire, homme d’état) …
1883
L’auteur sort le plus illustre de ses poèmes, « Hypérion » (en roumain « Luceafărul »), qui compte 392 vers et qui est considéré comme le chef-d’œuvre de Eminescu et, plus généralement, de la littérature roumaine.
Quelques mois plus tard, le poète est déclaré « aliéné mental » et sera interné, à plusieurs reprises, dans des cliniques psychiatriques, entre Bucarest et Vienne.
Son premier volume sera publié à la fin de cette année, sous le nom de « Poesii », seul recueil édité ante-mortem.

Le lent déclin
1884
Le père de Eminescu meurt durant cette année, l’état de santé de Mihai s’améliore et il entreprend un voyage en Italie.
1886 – 1888
Le poète doit faire face à une récidive de sa maladie et il passe son temps entre les soins qui lui sont prodigués par sa sœur, Henrieta et Veronica Micle avec qui, il s’installe à Bucarest.
1889
Au matin du 15 juin, Mihai Eminescu décède et est inhumé au cimetière « Bellu », dans la capitale roumaine. Au mois d’août de la même année, Veronica Micle trouve la mort, suite à un empoisonnement à l’arsenic, même si la thèse du suicide n’est pas confirmée.

(informations prises dans l’édition « Poezii », 2014, Group Media Litera, tableau chronologique et références critiques par Mihai Iovanel, préface de Eugen Simion).
Mes impressions
En ce moment, je me suis replongée dans les poèmes de Eminescu. Les critiques concernant son œuvre, ainsi que sa vie, dont les lignes ci-dessus ne sont qu’un très court résumé, je les laisserai à ce qui sont spécialistes en la matière.
Je souhaiterais cependant, donner mon avis quant à la sensibilité et aux sentiments que cette lecture provoque en moi. Et pour cela, je reprends les propos de Eugen Simion, dans la préface du recueil « Poezii »: il affirme que, avec le temps qui passe, il y a une partie de l’œuvre artistique qui fane un peu ! Le changement de générations implique aussi un changement de l’esthétique et de comment cette dernière est perçue. Mais malgré cela, d’une génération à l’autre, il y a une forme d’esthétique suprême qui se transmet.

C’est cette même « esthétique suprême » que je ressens, une beauté immortelle, véritable et d’une justesse universelle qui sait parler de l’Être et ses plus profonds sentiments. Pour cela et pour les images féeriques, tantôt remplies de lumière, tantôt plongés dans l’obscurité d’une âme en peine, mais toujours sublimes, merci, Mihai Eminescu !
Image à la une par Gerhard Gellinger, source Pixabay.
Laura Andreea Trichard