La nuit, chaude, habillée du crépuscule du soleil couchant, m’enveloppe. À mes pieds, la rivière Bega coule, saluant, presque endormie, les passants et continue son voyage vers d’autres contrées. Je suis à Timisoara, (département de Timiş, dans la région Banat) : démographiquement, troisième ville roumaine la plus importante, elle a peu à envier, par sa beauté, son histoire et son mode de vie, aux plus grandes villes européennes.

Portrait historique
De sa création à l’Empire des Hasbourg
Les recherches menées dans cette zone de la Roumanie attestent d’une présence humaine depuis l’époque du néolithique, il y a 10 000 ans. Après une longue période d’occupation daco-romaine, Timişoara fera partie du royaume de Hongrie, pendant le Moyen Âge, avant de subir l’occupation des Turcs ottomans, à partir du XVI siècle. À travers les siècles d’histoire, la ville a été confrontée à diverses révoltes, qui ont, sans doute, contribué à faire d’elle un lieu où l’empreinte historique est très présente, mais aussi un endroit où le vent au parfum de liberté est plus enivrant qu’ailleurs.

En 1716, la région de Banat, dont Timişoara fait partie, est annexée à l’Empire des Hasbourg d’Autriche, mais la ville bénéficie d’un statut privilégié puisqu’elle a une certaine autonomie politique et juridique. Un grand nombre d’Allemands sont envoyés sur place, dans un but de colonisation : fins artisans, ils aident au développement du commerce et de l’industrie. Cela correspond à la construction d’un canal navigable sur la rivière Bega, qui traverse la ville, en permettant de connecter Timisoara au réseau fluvial de l’Europe Centrale.
De la « Grande Roumanie » à l’U.R.S.S.
Ce n’est qu’en 1919 que la région de Banat intégra le Royaume de Roumanie, alors appelé la « Grande Roumanie ». Durant la Seconde Guerre mondiale, la ville subit plusieurs bombardements, qui la détruisirent en partie. Elle connut, par la suite, l’occupation militaire soviétique. Ses habitants, la plupart d’origine allemande, furent persécutés : ils furent envoyés dans les camps de concentration de l’U.R.S.S., leurs bien confisqués et leurs maisons occupées par les officiers soviétiques.
La révolution de 1989
Dans les événements sanglants de décembre 1989, un des noms à retenir est celui de László Tőkés. Aujourd’hui homme politique, représentant de la minorité hongroise en Roumanie, il était, au moment des faits, pasteur protestant de l’Église Reformée. Il s’est publiquement opposé à la politique menée par le gouvernement du dictateur Nicolae Ceauşescu et cela a eu comme conséquence sa destitution et son éloignement de la paroisse de Timişoara.

Le 15 décembre 1989, quelques fidèles se réunirent devant son église pour montrer leur soutien à Tőkés. Très vite, des personnes d’autres horizons religieux se joignirent aux premières et, par effet de « boule-de-neige », le 16 décembre, les habitants de la ville descendirent dans la rue, lançant les premiers slogans contre le gouvernement. Dans les jours suivants, la manifestation prit de l’ampleur : les plus importantes places de la ville sont occupées. Le pouvoir en place ordonna à l’armée d’ouvrir le feu sur les manifestants : plusieurs personnes trouvèrent la mort. Le 20 décembre, Timisoara fut proclamée comme étant la première ville roumaine libérée du régime communiste. L’insurrection prit très vite une ampleur nationale : les villes voisines se libérèrent dans les jours suivants, en entraînant la chute du dictateur.
Timisoara et ses trésors
Première ville de l’empire austro-hongrois à avoir été dotée d’éclairage public, Timişoara a connu un développement économique rapide et grâce à sa position, proche des frontières ouest du pays, elle a été un lieu d’ouverture sur l’extérieur, même aux heures les plus sombres de la Roumanie. Appelée « Mica Vienă » – la petite Vienne, en raison de sa beauté architecturale et de sa richesse culturelle, elle est aujourd’hui un des premiers choix pour les investisseurs étrangers, dans des secteurs variés (arts, recherche, mode, architecture, etc.). En 2016, Timişoara a été désignée comme capitale européenne de la culture pour l’année 2021.
Nombreuses sont les attractions touristiques : en commençant par la Cathédrale Orthodoxe, en passant par la place de la Victoire, la découverte de la ville peut continuer à travers les rues piétonnes qui nous mènent à la place de la Liberté. Ici, une statue représentant Saint Jean Nepomuk et la Vierge, domine la place (ce monument suit le modèle sur lequel ont été érigées les « Colonnes de peste » – sculptures baroques qui ont vu leur apparition au XVII siècle, en Europe centrale, pour célébrer la fin de l’épidémie de peste qui avait ravagée des nombreux pays).



La promenade remplie de charme peut se poursuivre par Piaţa Unirii (la place de l’Union), reconnue pour son architecture baroque : c’est ici que nous pouvons également visiter le Musée de l’Art, abritant des superbes peintures d’artistes roumains. Pour ceux d’entre vous qui souhaitent découvrir encore plus de la beauté de la ville, plusieurs parcs, le château Huniade ou encore le bastion Marie-Thérèse peuvent également être visités.
N’oubliez pas de prendre une pause à la terrasse d’un café ou de manger un bon plat traditionnel dans un des nombreux restaurants de la ville. Laissez-vous charmer par l’ambiance animée du centre-ville ou abandonnez-vous au murmure paisible de l’eau, sur les rives de Bega. Quoi qu’il en soit, Timisoara saura vous ensorceler : de jour comme de nuit, au rythme des feuilles d’automne qui tombent, des fleurs qui éclosent au printemps, sous une pluie de flocons de neige ou sous un soleil estival, elle est de ces villes où il fait bon vivre !

Image à la une, Cathédrale Orthodoxe, source photo – Roomanies.
Laura Andreea Trichard